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Sommes-nous réellement de plus en plus seuls ?

Sommes-nous réellement de plus en plus seuls ?

Dans ma vision des choses, plusieurs facteurs y contribuent :

  • L’éclatement géographique. A l’inverse de nos aînés (ancêtres ?) qui étaient regroupés en familles, groupes, clans, villages et dans lesquels chacun avait un rôle bien attribué et non interchangeable, nous sommes éclatés aux quatre coins de notre pays ou de la planète. Par nécessité économique souvent ou bien par intérêt et facilités de déplacement que le monde moderne nous procure. On va étudier ou travailler souvent loin de sa “base”, on va chercher la meilleure solution ailleurs, là où c’est plus intéressant, plus rentable ou plus excitant. L’idée de rester près des siens n’est plus, d’autant que la technologie de communication permet de se parler instantanément et nous avons l’illusion de rester proches. Nous ne sentons plus l’ “énergie” de l’autre en direct, en face à face, mais à distance, et ce, dans le meilleur des cas. Nous sommes donc souvent coupés de notre base.

  • La montée de l’individualisme. La société actuelle et tous ses “produits” au sens large, nous conduit subrepticement à plus d’individualisme, à plus de “chacun pour sa peau”, à plus de “après moi le déluge”. Ce phénomène est largement entretenu par la compétition (dans tous les domaines) à laquelle nous sommes confrontés, à la performance à laquelle nous sommes tenus. Nous tirons la couverture à nous, pour maintenir la tête hors de l’eau le plus longtemps possible. Pour survivre. Il y a donc moins d’inclusion, moins de partage, moins de “avec l’autre”.

  • Les facilités permises par les nouvelles technologies. Tout se fait aujourd’hui sur internet, ou presque. Plus besoin de parler à quelqu’un même au téléphone. Un clic et hop ! On ne discute plus avec les gens dans les boutiques ou “services”, on appuie sur un bouton pour avoir ce qu’on veut. Pratique certes, mais bon, pour le contact humain, on peut repasser. Par facilité, rapidité, on se Face Time, on se texte, on se WhatsApp, on se mail (au lieu de se mêler), on se parle au travers d’un rectangle noir. Toujours mieux que rien me direz-vous, surtout avec ceux qui sont à l’autre bout du monde. Mais rien ne remplace la proximité physique pour ne pas se sentir seul(e) ou isolé(e). C’est mécanique. Être en face (en phase) de l’autre permet à tous nos sens d’être nourris et comble ce besoin de connexion d’une toute autre manière.

  • Trop de sollicitations et de choix. Trop de tout partout, à ne plus savoir où donner de la tête. Un vertige parfois. On peut trouver (en théorie) des amis, des amoureux, des gens pour sortir avec vous un soir ou pour partir en vacances sur catalogue. Il suffit de faire glisser le doigt sur un écran. On pense naïvement que tout est facilement disponible, c’est joyeux et puis … en fait, on se rend compte que ce n’est pas si simple que ça. Des amis, on en a plein sur notre écran. Mais on les voit peu dans la vraie vie. La publicité et les médias sociaux entretiennent l’image de la convivialité mais il me semble qu’elle reste plus théorique et idéalisée que réelle.

  • La déconnexion d’avec nous-même. Pour être connecté(e) ou en relation avec l’autre ou les autres, il est bon de se sentir déjà connecté(e) à soi-même. Or, nos modes de vie le permettent difficilement. On court toute la journée à s’affairer bien souvent à des futilités, à régler des problèmes qu’on se créé parfois soi-même, le tout dans l’urgence et non dans l’importance. On se perd un peu alors. On est envahi d’images, d’injonctions, de modèles. Il arrive de ce fait qu’on s’accroche à des objectifs, idéaux, désirs qui ne sont même pas les nôtres. On en arrive à rester à la surface des choses, des gens. Pas grave, on va regarder une série … histoire de se changer les idées.

  • La plus grande difficulté à entrer en contact avec les autres. Sans compter le contact physique nécessaire au lien humain, on n’arrive paradoxalement plus à entrer en relation, à connaître l’autre, à approfondir, on met des étiquettes partout (ça tombe bien, on nous en fournit chaque jour de nouvelles). On est empli de préjugés, d’a priori. On devient suspicieux, frileux, méfiant de l’autre. On se protège de plus en plus. On cherche à donner une “image” de nous mais pas notre vrai “nous”. On bricole quoi. On a peur de l’autre, au fond. Alors, on se replie plus ou moins, chacun à sa manière. Et puis, le temps passant, le phénomène s’ancre et se renforce. On préfère la solitude ou l’isolement parce que c’est devenu tout simplement plus confortable. Faire face à l’altérité demande de l’énergie et des efforts. On préfère être au chaud seul(e) même si c’est pour en pleurer. Certains ont lâché l’affaire.

  • L’éclatement de la famille. Nos “vieux” sont dans des maisons de retraite, nos enfants se baladent d’un foyer à l’autre chaque semaine, les liens ont souvent disparu entre générations. On a développé la tendance à vivre et passer notre temps dans notre niveau générationnel. On ne se mélange plus. On a perdu le lien de la famille qui reste une base et un fondement sécuritaire.

Il y a sûrement d’autres facteurs encore. C’est si complexe.

Quoiqu’il en soit, on est quand même assez seul au bout du compte, même si connecté à la Wifi ou à la 4G. On le sent bien à l’intérieur de nous. Alors que les “vents” sont contre nous, il faut déployer plus d’énergie aujourd’hui pour ne pas être ni se sentir seul. C’est aussi à nous de faire cette démarche vers l’autre, d’être proactif, de nous donner les moyens. Ce qui implique de consacrer du temps à l’autre, d’être disponible, de se poser avec l’autre ou les autres. Et de sortir du tourbillon.

Crédit photo : Pixabay