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Pourquoi est-il bon de laisser son cerveau au repos et vagabonder ?

Pourquoi est-il bon de laisser son cerveau au repos et vagabonder ?

Que nous soyons occupés à une tâche ou en train de rêvasser ou lorsque nous ne pensons à rien de particulier, notre cerveau ne s’arrête jamais mais varie les “plaisirs”.

L’état dont il est question ici est l’état dans lequel un individu est éveillé et alerte mais ne participe pas activement à une tâche attentionnelle ou à une tâche orientée vers un but spécifique. Typiquement, lorsque nous voyageons et regardons par la fenêtre, lorsque nous sommes assis immobile devant un paysage ou lorsque nous attendons quelque part sans rien pouvoir faire. Bref, lorsque nous sommes “dans la lune” et que notre esprit vagabonde.

Les travaux d’imagerie cérébrale ont révélé un groupe de régions systématiquement associé au repos et baptisé “réseau par défaut” (RD). Il est important de souligner que ce “réseau par défaut” n’est pas le seul à montrer une activité fonctionnelle organisée dans l’état de repos. En réalité, les analyses de connectivité fonctionnelle des données d’IRMf obtenues au repos ont révélé l’existence de plusieurs réseaux de régions synchronisées, tels que le réseau visuel, le réseau sensorimoteur, le réseau attentionnel dorsal, le réseau de saillance, le réseau auditif, le réseau de contrôle frontopariétal…

Selon le professeur Francis Eustache, qui dirige l’unité Inserm du laboratoire de neuropsychologie du CHU de Caen : ” Il existe, dans le cerveau au repos, lorsque notre activité cognitive n’est pas dirigée vers un objectif spécifique, une activité cérébrale intense et soutenue dans des régions spatialement éloignées. Ces structures sont fortement connectées sur le plan fonctionnel et forment un réseau caractérisé par la présence de fluctuations synchrones de basse fréquence”.

L’activité au repos, du réseau par défaut, présente la particularité de diminuer dès lors que le sujet réalise n’importe quelle tâche cognitive. Autrement dit, le RD se « désengage » lorsque le sujet réalise une action avec un objectif spécifique, tandis que l’activité des réseaux liés à une tâche diminue. Les activités de ces réseaux et celle du RD sont « anti corrélées », variant en sens inverse.

Les études s’intéressant au contenu mental accompagnant l’état de repos ont donc indiqué que, lorsqu’un être humain est laissé libre du contenu de ses pensées, il va spontanément évoquer des souvenirs personnels, réfléchir sur lui-même et/ou planifier ses activités futures. En fait, toutes les tâches qui activent le réseau par défaut nécessitent que les individus se projettent mentalement dans une situation autre que la réalité qui les entoure. Ils s’abstraient de l’environnement pour construire un modèle mental représentant des scénarios alternatifs. Plutôt que de traiter les stimuli externes, la cognition est orientée sur soi, générant des souvenirs personnels, imaginant des événements futurs possibles et réfléchissant sur ses propres émotions et motivations, ainsi que celles des autres. Il s’agit donc de générer soi-même des contenus mentaux.

Selon cette « hypothèse de la cognition interne », le réseau par défaut permet ainsi la construction de modèles mentaux ou de simulations ayant une fonction adaptative et facilitatrice de comportements futurs. Ces simulations seraient donc un moyen d’anticiper et d’évaluer les événements à venir de manière à y réagir le mieux possible, de se construire une identité stable au cours du temps et de s’adapter au monde social.

Le réseau par défaut résulterait principalement de l’activité électrique neuronale, comme les autres réseaux mais il aurait toutefois un rôle particulier. En effet, les différents réseaux sont coordonnés selon une certaine hiérarchie et le réseau par défaut serait au sommet de cette hiérarchie, car il possède des nœuds très largement connectés permettant de relier tous les systèmes cérébraux. Le réseau par défaut aurait ainsi un rôle de chef d’orchestre, coordonnant l’activité des systèmes cérébraux et favorisant la réactivité du cerveau dans son ensemble aux contingences changeantes de l’environnement. Selon ce point de vue, le cerveau au repos ne serait nullement passif mais continuellement en train de générer des prédictions sur des événements à venir de manière à faciliter leur perception et traitement lorsqu’ils surviennent. Comme sentinelle et coordinateur des systèmes cérébraux, le réseau par défaut permettrait d’organiser et d’exprimer des comportements planifiés pour réagir au monde complexe qui entoure l’individu.

Notre cerveau est donc continuellement actif, que nous soyons au repos, occupés à rêvasser ou engagés dans une tâche. Certaines régions cérébrales sont systématiquement associées à l’état de repos, ainsi qu’à des fonctions cognitives spécifiques, incluant la mémoire autobiographique, la projection dans le futur et la théorie de l’esprit. Les hypothèses actuelles concernant le rôle du réseau par défaut mettent en avant sa fonction adaptative, dans la mesure où il nous permettrait d’intégrer nos expériences passées et nos connaissances générales afin de réagir au mieux aux situations nouvelles. Il aurait ainsi un rôle fondamental dans la vie des individus.

Il est pourtant vulnérable et de très nombreuses études indiquent des dysfonctions du réseau par défaut dans plusieurs états psychopathologiques et conditions de santé. Des anomalies de son fonctionnement seraient en cause dans des pathologies comme Alzheimer ou la schizophrénie. Il a aussi été étudié dans la dépression, dans les cas d’hyperactivité ou de stress post traumatique. Ce réseau est donc très important et notre cerveau a besoin de digérer les informations qu’on lui fait ingurgiter tout au long de la journée.

Il faut donc apprendre à le protéger en préservant le temps de la réflexion et en évitant l’hyper stimulation.

Voilà pourquoi il est bon de rêvasser ! De quoi déculpabiliser et laisser notre esprit vagabonder …

Sources : https://www.cairn.info/revue-de-neuropsychologie-2018-3-page-232.htm

Crédit photo : Pixabay